Les tribunaux administratifs sont régulièrement saisis sur la question de la responsabilité légale en cas de fuite d’eau localisée en amont du compteur d’eau. Cela peut arriver dans de nombreuses situations, que ce soit chez des particuliers ou des professionnels.
Le responsable de la fuite d’eau qui sera identifié pourra potentiellement avoir des sanctions financières et sera surtout responsable des travaux de réparation, il est donc impératif de l’identifier en cas de fuite d’eau située en amont d’un compteur.
La position des collectivités territoriales sur ce sujet
Sommaire
Force est de relever que sur ce point, certaines collectivités territoriales ont tendance à volontairement s’éloigner de la position traditionnelle de la jurisprudence administrative. Elles intègrent ainsi dans leurs règlements de services des eaux des clauses qui excluent leur propre responsabilité. En effet, elles considèrent que tout ce qui est situé sur le terrain privé d’une personne doit être réparé par cette dernière.
Cette situation contraint par conséquent les particuliers à établir des demandes préalables suivies d’actions contentieuses devant les juridictions administratives, dans le bit d’obtenir l’annulation desdites clauses contenues dans les règlements de service des eaux. Mais aussi d’obtenir réparation de leurs préjudices.
Que dit la loi concernant les fuites d’eau en amont du compteur ?
Cette position semble, en effet, contraire à la jurisprudence mais aussi à la doctrine administrative. Il est clair que les ouvrages publics d’adduction publique en eau potable présentent le caractère d’ouvrages publics.
L’article L152-1 du Code rural et de la pêche maritime relatif aux servitudes spécifie qu’un ouvrage public peut bien prendre place au sein d’un terrain privé. Le Conseil d’État considère depuis 1960 et ce de manière constante, que le compteur fait office de frontière juridique entre un ouvrage public et un équipement propre.
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Ainsi les canalisations situées sur les propriétés privées en amont du compteur sont des ouvrages publics. Même s’ils appartiennent aux propriétaires privés des immeubles desservis. Cela implique que la responsabilité de l’entretien du réseau avant compteur incombe au service des eaux, est reprise au sein du décret n°2001-1220 du 20 décembre 2001.
Une réponse ministérielle suite à une question parlementaire a encore dernièrement rappelé que les ouvrages d’adduction publique en eau potable sont des ouvrages publics. Cela comprend les branchements qui amènent l’eau aux bâtiments de particulier, c’est-à-dire jusqu’au compteur.
Qu’ils soient réalisés sous la voie publique ou bien encore implantés dans un bâtiment privé, ils sont considérés comme une dépendance de la conduite principale à laquelle ils sont reliés. Ils font pleinement partie de l’intégralité des ouvrages publics que compose un service public de distribution en eau.
Cela est valable qu’ils soient exécutés dans le cadre :
- · D’une concession
- · d’une régie
- · par les propriétaires riverains le compte d’une collectivité.
Ainsi, les travaux de creusement de tranchées ou bien encore de remblaiements réalisés par les collectivités publiques ou leurs concessionnaires pour effectuer la pose ou la réparation des branchements particuliers constituent également des travaux publics.
Les agents de l’administration sont habilités à entrer dans les propriétés privées afin d’y exécuter des opérations nécessaires à l’étude des projets de travaux publics. C’est en tout cas ce que stipule la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l’exécution de travaux publics.
Un arrêté préfectoral doit indiquer les communes de réalisation des études, y compris dans les propriétés closes sous réserve d’une notification préalable. Ils doivent être prévoyants pour une indemnisation éventuelle en cas d’éventuels dommages. La collectivité en charge de la distribution d’eau potable dispose ainsi pleinement du pouvoir de contrôle l’intégrité de son réseau.
Le service de l’eau est responsable des canalisations et des fuites jusqu’au compteur
Dans ces conditions, il ressort une jurisprudence qui est désormais bien établie : le compteur constitue donc la frontière juridique délimitant la responsabilité du service. Cela, y compris si le compteur est localisé sur une propriété privée.
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Même dans cette hypothèse, le service de l’eau est totalement responsable jusqu’au compteur, des canalisations mais aussi des fuites.
La répartition de la responsabilité juridique est donc de nos jours clairement délimitée :
- Les canalisations localisées sous la voie publique sont de la responsabilité du service des eaux ;
- Les canalisations localisées sur les propriétés privées mais en amont du compteur, sont des ouvrages publics.
Cela est valable même s’ils appartiennent aux propriétés privées et relèvent donc de la responsabilité du service des eaux ; - Les canalisations localisées à l’intérieur des propriétés privées et au-delà des compteurs sont pleinement de la responsabilité des propriétaires privés.
La Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes a édité en Octobre 2019 un guide pédagogique sur les règlements de service d’eau.
Elle a formulé un certain nombre de recommandations, dans lesquelles elle plaide pour que :
- Soient éliminées les clauses ayant pour objectif d’exonérer de façon générale le professionnel de toutes les responsabilités liées à l’inexécution ou à la mauvaise exécution de son obligation de distribution, exceptés les cas de force majeure ou d’interruption de la distribution liée à l’aménagement ou à l’entretien du réseau ;
- Soient éliminées les clauses ayant pour objectif d’exclure toute responsabilité du service des eaux pour les dommages d’accidents survenus sur la partie du branchement située au-delà̀ du domaine public.
Conclusion
Lorsque la fuite intervenue en dehors du domaine public, au sein d’une voie privée, mais en amont du compteur général, on peut considérer légitimement comme abusive une clause qui :
- Place les conduites d’alimentation générale en dessous de la garde des riverains,
- Impose les riverains à réparer les conduites d’alimentation générale,
- Exonère le service des eaux de toute responsabilités légales en la faisant peser sur les habitants.